Soixante-quatorzième article de blog : Nos activités s’inscrivent dans le cadre plus large de la Justice Restaurative que nous présentons ici brièvement.

Pourquoi la Justice Restaurative en cinq questions ?

1–Qu’entend-on habituellement par Justice ? 

Le mot Justice revêt deux principaux sens (source : Dictionnaire Le Robert)

  1. Une Juste appréciation, reconnaissance et respect des droits et du mérite de chacun. Agir avec justice.
  2. Un principe moral de conformité au droit. Faire régner la justice.

Dans le cadre de nos institutions, la Justice constitue à la fois un idéal philosophique et moral, l’exercice d’une activité (juger) et un ensemble d’institutions (les institutions judiciaires).

 (source : https://www.vie-publique.fr)

Elle est l’action par laquelle les autorités compétentes font respecter la loi et les droits d’autrui. 

Le Droit, à travers des textes de lois, définit les droits et les obligations de chacun pour nous permettre de vivre tous ensemble

(source : https://www.avocats.paris/faq/quest-ce-que-la-justice)

L’état détient ici le monopole de la violence légitime (Weber) dans le cadre de la Loi pour assurer à la fois notre sécurité et notre liberté

(source:https://la-philosophie.com/letat-detient-le-monopole-de-la-violence-legitime-weber)

2 –Qu’est-ce que la Justice Restaurative?

Dans sa dimension Restaurative, la justice peut se définir comme le maintien d’une forme d’équilibre dans la coexistence. Il ne s’agit plus ici de juger et de punir mais d’un processus de dialogue particulier qui facilite l’émergence d’une action transformatrice qui rend possible ce nouvel équilibre. 

Le terme Restauratif fait ici référence aux relations suite à un conflit, les Restaurer c’est :

  • se reconnecter à soi, aux autres et dans certains cas à un groupe de personnes avec qui je suis en relation de manière durable
  • comprendre les causes du conflit et permettre à chacun de prendre sa part de responsabilité
  • mettre en œuvre un plan d’action concret pour adresser les causes du conflit et prendre en compte les besoins de chacun

Il existe des exemples réussis de Justice Restaurative dans de nombreux pays depuis maintenant une quarantaine d’années qui permettent d’apaiser les relations et les souffrances et dans la mesure du possible de retrouver un équilibre entre les acteurs.

A travers les très nombreuses approches Restauratives, la satisfaction des acteurs du conflit est accrue et dans la majorité des cas le taux de récidive diminue.  

Par exemple

 : https://docplayer.fr/19956274-Vers-la-paix-et-la-justice-au-bresil-dominic-barter-et-les-cercles-restauratifs.html

Par ailleurs, l’anthropologie permet la redécouverte de pratiques traditionnelles de régulation des conflits. Il ressort  clairement que dans la grande majorité des peuples premiers, quand une personne commet un acte délictueux c’est parce qu’elle s’est coupée de la société, de la communauté. Et le fait de commettre cet acte va encore l’en éloigner. Or c’est pour ces sociétés une mauvaise chose pour une communauté de se démembrer. Chaque acteur de la communauté prend ici sa part de responsabilité dans la restauration des relations, tout cela pour re-créer de l’harmonie. 

Pour aller plus loin : Des sources de la Justice Restaurative à la situation actuelle :  https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2012-2-page-223.htm#

Notons que dans ses travaux, Dominic Barter parle de donneurs et de receveurs d’actes. Il ne s’agit en effet pas de juger qui que soit et de nombreuses situations sont complexes. En tant un donneur qu’un receveur d’acte peut par exemple se sentir victime de ce qui s’est passé. 

Pour en savoir plus sur les travaux de Dominic Barter : https://cerclesrestauratifs.org/wiki/Accueil

Avec de nombreuses ressources en anglaishttp://www.restorativecircles.org/systems-and-facilitation

3 – Pourquoi le système actuel de Justice cherche à intégrer une dimension Restaurative ? 

Le système de justice actuel régule les relations sociales à travers un prisme « coupable / victime ».

Cette vision reflète notre réflexe culturel de départager des personnes en conflit en tranchant de façon binaire « qui a tort? / qui a raison? » en fonction de « règles » qui ne peuvent toujours intégrer toute la complexité d’une situation. 

Si les pratiques qui en découlent ont le mérite de trancher les conflits dans un cadre bien défini, c’est parfois au prix de profondes insatisfactions pour plusieurs raisons :    

  • La décision tranchant « qui a tort et qui a raison »  est prise en fonction de principes théoriques, juridiques ou moraux, certes estimables, mais qui laissent de côté certaines dimensions du conflit et peuvent conduire à exacerber les tensions entre les parties. Les parties « adverses » développent des stratégies par rapport à leur propres intérêts qui peuvent aller à l’encontre de la reconnexion et la compréhension mutuelle. 
  • Une profonde déception des victimes d’un point de vue psychologique, dont la souffrance n’est pas apaisée par la punition de l’auteur. La victime reste avec de la peur ou une envie de vengeance.
  • La punition n’amène pas l’auteur à la conscience de ce que la victime a vécu et il n’est pas entendu dans ce qui l’a amené à agir ainsi. D’où le plus souvent une exclusion des auteurs et un échec des politiques de répression / objectif de paix social qui se traduit par un taux élevé de récidive (en France, 63% de condamnation après une incarcération – source Observatoire International des Prisons )
  • Si la décision s’impose aux parties, le problème d’exécution n’est pas exclus; autrement dit tout n’est pas réglé. C’est ce qui a par exemple pu faire dire à un juge que  » Le meilleur jugement est celui qui n’est jamais appliqué  » , dans le sens où les parties se sont entendues pour trouver leur propres arrangements. 
  • Les personnes qui ne sont pas au centre du conflit ou de l’acte mais néanmoins touchées émotionnellement ne sont pas prises en compte
  • La longueur, la complexité et le coût … des procédures judiciaires  

4 – Comment le système de Justice évolue pour intégrer une dimension Restaurative ?

En France, la LOI n° 2014-896 du 15 août 2014 prévoit que « A l’occasion de toute procédure pénale et à tous les stades de la procédure, y compris lors de l’exécution de la peine, la victime et l’auteur d’une infraction, sous réserve que les faits aient été reconnus, peuvent se voir proposer une mesure de justice restaurative.« https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000029370752/2014-10-01

Ce besoin de restauration des relations est aujourd’hui assez largement relayé  par le ministère de la Justice

En 2013 est créé l’Institut Français pour la Justice Restaurative (IFJR), une organisation dédiée au développement d’une justice restaurative, dans le champ pénal et hors du champ pénal, respectueuse des plus fortes valeurs consacrant le respect de la personne humaine. 

Au delà de ses activités de formation, d’accompagnement, d’aide aux programme … l’IFJR publie un rapport sur les mesures de Justice Restauratives en France. Il existe de nombreuse formes d’initiatives vers une Justice Restaurative, voir par exemple le site de l’IFJR.  

De nombreux avocats par exemple se forment à la médiation. 

Que ce soit au Civil ou au Pénal, les deux approches (« classique / étatique » et « Restaurative / collective ») peuvent utilement se compléter et converger vers un système de Justice qui vise efficacement à « retrouver un équilibre dans la coexistence » de manière pérenne; tant de manière préventive que suite à un conflit. 

C’est le cas par exemple dans certains districts au Brésil ou quand les policiers interpellent des jeunes, ils ont le choix entre les emmener au poste de police ou dans une école où un Cercle Restauratif est organisé. Les évaluations ont montré que là où la Justice Restaurative est active sous la forme de Cercles Restauratifs, on constate une réduction de 50 % du nombre de cas où les jeunes sont amenés devant un juge et que plus de 90% des conflits traités avec les cercles ont été résolus à la satisfaction des personnes interrogées. 

https://www.iirp.edu/news/toward-peace-and-justice-in-brazil-dominic-barter-and-restorative-circles

Au Canada, un pays pionnier dans ce domaine, des programmes de Justice Restaurative permettent à l’auteur et la victime, s’ils le souhaitent, d’entreprendre une démarche restaurative indépendante du système pénal « classique ». Suite à cette démarche, un juge revoit et valide les actions décidés.

C’est ainsi par exemple que auteur et victime peuvent « librement » décider un emprisonnement (généralement d’assez courte durée) s’il considèrent que cela contribue à retrouver un équilibre. Il ne s’agit pas ici d’une punition, mais d’une action décidée par l’ensemble des parties et qui a ainsi un tout autre sens.    https://oip.org/analyse/canada-une-justice-restaurative-qui-joue-sur-la-peine/

5 – D’autres motivations pour le développement d’une Justice Restaurative ?

Au delà des limites du système judiciaire actuel que nous avons vu, on constate un recours accru à ce même système qui se traduit en particulier par l’augmentation du nombre de lois (voir ci-dessus), de saisines des tribunaux, d’avocats (de 40 à 70000 depuis 2002), d’incarcérations (voir ci-dessous) ….

Il existe à l’évidence une profonde relation entre notre système de justice, l’utilisation que nous en faisons, notre relation à nous-même, aux autres et à la société. 

C’est le cas par exemple dans :    

  • Notre relation à la culpabilité, ou la recherche d’une personne à qui revient la faute quand la situation est en fait souvent bien plus complexe … 
  • Notre recherche d’un juge pour trancher plutôt qu’un dialogue, une compréhension mutuelle, une responsabilisation de chacun et une solution adaptée. 

Pour finir, les nombreux enjeux environnementaux, sociaux, sanitaires … présents et à venir sont autant de sources de conflits. 

Cela n’est-il pas une motivation supplémentaire pour apprendre individuellement et collectivement à accueillir et transformer les conflits ? Peu importe le contexte (famille, association, entreprise, collectivités de toutes tailles …), notre perception, notre relation au conflit n’est-elle pas au moins en grande partie la même ?