Vingt-deuxième article de blog : les écueils et limites de la gouvernance partagée

Vous laisser croire que la gouvernance partagée est une histoire sans écueil serait une mauvaise farce.Allons regarder dans le trou de serrure pour ne pas succomber à la tentation d’échapper aux travers qu’elle peut aussi mettre en exergue.

Remettre le pouvoir au centre, démarrer ou transformer une organisation dans ce niveau de profondeur est un « aller simple ». Nous laisser dominer par nos peurs et choisir un retour en arrière peut avoir des conséquences douloureuses et catastrophiques pour le groupe et donc pour la structure.

Le pouvoir peut s’offrir mais il se reprend difficilement !Il est donc important que les fondateurs de départ, la direction, le conseil d’administration… le pouvoir en place, en soient conscients et que leurs motivations à faire ce type de bascule aient été travaillées en amont afin que le projet soit envisagé comme un axe stratégique fort.

En revanche, il est tout à fait possible de jouer sur le rythme de cette transformation et d’accompagner une certaine progressivité dans sa mise en œuvre.

Gouvernance – Conduite d’une transition de Ggouvernance

Expérimenter et ajuster en dynamique :Plutôt que de planifier un projet de changement ambitieux sur plusieurs années, ce qui pourrait faire peur et attiser les projections… et si vous fonctionnez là aussi de manière agile ?

Par exemple en définissant un périmètre dans lequel vous pourrez expérimenter de manière sereine….pour faire un premier pas.

Cela peut être un service, un projet, ou juste une décision spécifique qui sera l’occasion d’expérimenter…, 1er pas que vous pourrez ensuite débriefer dans un espace approprié pour apprendre de cette expérience et recueillir les ressentis. Cela vous permettra d’ajuster la démarche et de définir le prochain pas.

Investir sur le chemin !

Toute transformation, qu’elle soit individuelle ou collective, génère des tensions, des émotions. Elle est en soi un “traumatisme” pour tout organisme, tout comme le passage de l’adolescence avec ses différentes mues, est une épreuve en soi.

Pour apprendre de nouveaux comportements nous avons à désapprendre les anciens…cela consomme de l’énergie, génère du chaos…tout ceci n’est pas à sous-estimer !

Donc évitons de mettre la charrue avant les bœufs, de reproduire dans cette transition nos anciens schémas, qui seraient de faire vite, de ne penser qu’aux résultats, de chercher des solutions miracles…ou tout simplement de faire cela en plus de tout le reste que nous n’arrivons déjà pas à faire correctement.

Acceptons de nous offrir du temps et des moyens, pour prendre soin du chemin,comme par exemple célébrer chaque étape, tisser du lien et de la confiance, se former, ou se faire accompagner !

Pour cela il s’agit donc de choisir des moments propices. Si nous sommes en période de stress, pour des raisons économiques ou autres, peut-être est-il bon d’attendre un peu?

Ou peut-être devrons-nous accepter de renoncer à d’autres opportunités pour s’y consacrer pleinement?

Du tout en pleinière à l’organisation organique.

Du tout plénière à l’organisation organique –M.Cremona

Objectif = Présenter le design de gouvernance, la structuration, les règles globales du qui fait quoi, du comment ça marche, en s’appuyant sur l’expérience des habitats groupés.

Je vais vous présenter un chemin d’évolution possible d’un groupe dans sa structuration. Je vais pour cela m’appuyer sur nos expériences d’accompagnement d’habitat participatif avançant étape par étape vers une gouvernance partagée.

LA PLÉNIÈRE

Généralement, les groupes qui veulent entrer en gouvernance partagée commencent par construire un cercle où tout le monde siège, appelé par exemple la plénière. C’est le lieu où tout se passe, le lieu du pouvoir, là où se prennent les décisions (quel que soit le processus choisis : majorité, consensus, consentement...).

Le cercle se met à travailler dans l’idée qu’ici tout le monde a le pouvoir, dans une forte envie d’horizontalité.Puis, le projet va évoluer et va devenir de plus en plus complexe, intégrant de nombreux éléments (le choix du terrain, la construction, le vivre ensemble…).

Les ODJ des réunions vont s’agrandir, les réunions durer plus longtemps créant de la fatigue voire des tensions au sein du groupe… Et cela est d’autant plus vrai quand il y a un grand nombre d’individus… Et a fortiori quand un groupe a une membrane ouverte (avec des gens qui sortent et rentrent tout le temps, des gens qui passent et ne reviennent jamais…).

Rappelons au passage qu’il est important que le groupe se définisse comme groupe « souche » et arrête momentanément ces entrées-sorties.

Il doit se constituer et s’assumer comme un pouvoir de départ et mettre en place rapidement un processus d’inclusion.

Quoiqu’il en soit, à ce stade, en plénière, on reste encore dans l’idée que tout le monde doit décider de tout, tous ensemble, sur tous les sujets (investissement de 50 000 euros, la fête du we prochain, est-ce qu’on accepte les chats…).

Les difficultés rencontrées sont le signal que ce temps est révolu.

LES GROUPES THÉMATIQUES DE TRAVAIL

La plénière décide alors de créer des commissions thématiques sur la base des besoins existants, des sujets à traiter en fonction de là où en est le projet. Elles auront pour mission de préparer en amont les sujets à décider ensemble, en apportant une proposition claire. C’est une amélioration conséquente car la plénière a pour intention de devenir un lieu uniquement de décisions et non plus de discussions interminables. Ceci dit, c’est un vrai changement qui ne se fait pas tout seul : on observe souvent des allers-retours.

La commission amène une proposition qui est discutée en plénière, ça repart en commission, ça revient en plénière… etc… et ça, ça dit quelque chose du groupe, il a peur de décider… ou il veut prendre une décision parfaite.

La gouvernance est effectivement partagée entre la plénière et les commissions quand chacun de ces deux organes travaillent en complémentarité : la commission apporte une proposition et la plénière décide.

Ainsi les ordres du jour ne sont plus que des décisions à prendre.

On avance plus vite. Mais on reste quand même avec un seul lieu de décision tous ensemble.Il y a alors un autre gros cap à passer.

LA COMMISSION SOUVERAINE

Un cap qui peut être douloureux car il vient démanteler le fantasme du tout horizontal pour ajouter une pointe de verticalité saine. Un cap qui nous amène à imaginer que maintenant nos commissions vont avoir la souveraineté de prendre des décisions seules !

Dans ce fonctionnement, la plénière (qui réunit toutes les personnes investies dans le projet) décide que chaque commission a des périmètres souverains, définis ensemble, et qu’ainsi il y a plein de décisions qui ne se prendront plus ici.

Pour exemple : la commission “Travaux” a pour mandat jusqu’à 50 000 euros de dépenses. C’est à dire qu’en-dessous de 50 000 euros, c’est elle qui décide. Elle est souveraine dans ce périmètre (sachant que le périmètre peut être un chiffre ou tout autre chose).

Celui qui travaille dans la commission “Animaux” mais pas dans la commission “Travaux” va devoir accepter qu’il y a de nombreuses décisions sur lesquelles il n’aura pas de droit d’objections, même s’il est directement concerné.

Pour bien vivre cette évolution, il est important que chaque commission prenne ses décisions en relation d’équivalence.

Petit aparté sur les commissions...Elles se remplissent généralement sur la base du volontariat, des compétences… parfois par des élections sans candidat si nécessaire.

Notez que l’élection sans candidat peut permettre d’éviter la technocratie ou le pouvoir par “le temps” (une personne qui a le temps, de la dispo et qui va donc vouloir/pouvoir tout faire) …

Une commission peut être ponctuelle, quand sa mission est terminée, elle n’a plus vocation à perdurer. C’est le rôle de la plénière de faire un point sur l’état des commissions en place, tous les 6 mois environ, pour revoir les axes et revisiter les missions, les redevabilités et les mandats.

Ce type de fonctionnement est une révolution dans la vie d’un groupe, mais il peut y avoir encore des moments où cela s’englue, au sein de la plénière ou de la commission.

MODELE ATTRIBUSIEN

Pour aller + loin, appuyons-nous sur l’exemple d’un collectif appelé “L’attribut”, aux origines de l’UdN qui a inspiré le modèle dit “attribusien”.Dans ce modèle, nous avons toujours notre plénière et les commissions thématiques intervenant comme des sous-cercles représentant les missions principales du projet.

La plénière va avoir désormais un périmètre limité, avec un pouvoir décisionnaire sur quelques sujets importants pour tous les habitants et pour lesquels il tient à cœur de décider ensemble car les décisions vont impacter fortement l’ensemble de la communauté (par ex : la constitution, la raison d’être, tout ce qui touche aux enfants…).

Celle-ci élit alors une personne en élection sans candidat (ou autre), appelé 1er lien, qui aura pour mandat d’énergétiser un cercle de coordination opérationnelle appelé “Keur”, “Général”, “de pilotage”…

Son rôle est aussi de garder la vision globale, de faire respecter que rien du périmètre de la plénière n’est décidé en sous-cercle. Et qui fait en sorte que cela se passe, que ça fonctionne, que le projet avance. Il peut donner des indications, fixer des priorités.

Les commissions, quant à elles, élisent en élection sans candidat en leurs seins 1 ou 2 personnes qui siègeront au Keur. Ainsi chaque commission y sera représentée et pourra, en équivalence toujours, prendre les décisions nécessaires à l’avancée opérationnelle du projet. Ici encore, chaque cercle est souverain.

Ce processus “Attribusien” est un processus inversé qui a inspiré l’expérience irréversible que nous proposons dans certains de nos séminaires. Ce qui est important dans ce fonctionnement, c’est l’accessibilité des informations et la visibilité de qui fait quoi dans l’organisation. Comme vous pouvez le comprendre le chemin d’une gouvernance partagée est ponctué d’étapes toutes aussi riches et apprenantes les unes que les autres. Ce qui nous semble essentiel pour explorer ce chemin, c’est d’avoir en tête que la gouvernance doit être au service du projet… et non l’inverse !

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